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L'insécurité nucléaire
Bientôt un Tchernobyl en France ?

Extrait :

Document confidentiel défense
sur le réacteur nucléaire EPR

Stéphane Lhomme arrêté
par la DST le 16 mai 2006

 


Aussi dans les médias : JDD : Lhomme à abattre - Le Monde - NouvelObs - LExpress - etc


 

La DST attaque !

 

Le 16 mai 2006, l’affaire s’accélère. A 8 heures du matin, sans crier gare, une douzaine de personnes entrent chez moi sans frapper. Il est vrai la porte n’était pas fermée à clef. On nous parle beaucoup de l’ « insécurité », en voilà une belle illustration : vous laissez votre porte ouverte et... la police entre chez vous ! Car c’est bien de la police qu’il s’agit. Plus exactement de la DST (Direction de surveillance du territoire). Tout une équipe, sept ou huit, descendus spécialement de Paris, et escortés jusqu’à chez moi par des policiers bordelais. J’apprends que je suis immédiatement mis en garde à vue, « à domicile ». En caleçon !

 

J’obtiens le droit de m’habiller plus correctement et, suivi de près, je parviens à me saisir d’un pantalon. Le « marquage » est sévère : je me sens un peu comme un avant-centre surveillé de près par Lilian Thuram ! Mais, comment pourrais-je m’évader ? L’appartement est littéralement cerné. Par la fenêtre, j’aperçois des policiers dans la rue, dans la cour... Les voisins vont croire que j’ai détourné de l’argent public, comme mon ex (et futur ?) maire Alain Juppé.

Mais non, c’est bien de « confidentiel défense » qu’il s’agit. Le travail est bien organisé : des inspecteurs préparent la procédure administrative sur leurs ordinateurs, d’autres fouillent l’appartement de fond en comble, d’autres m’interrogent, et les policiers locaux assurent la surveillance extérieure. Un véritable « inspecteur gadget », informaticien, ausculte mes ordinateurs à l’aide d’appareils spéciaux. Bigre, ils ne plaisantent pas !

 

Conformément à la loi, j’ai pu faire prévenir un avocat, Me Philippe Reulet, avec lequel je travaille déjà : l’association Tchernoblaye, que je préside, a attaqué en justice la centrale nucléaire du Blayais qui a fonctionné près de 6 mois illégalement en 2003. Hélas, le Parquet de Bordeaux semble avoir "égaré" le dossier  : il faudrait peut être lui envoyer la DST !

Mais revenons à la perquisition : tous mes documents sont passés en revue, principalement ceux qui sont consacrés au nucléaire (évidemment) mais aussi des dossiers qui renferment quelques vieux souvenirs comme des photos de matches de foot. Et Thuram qui ne me lâche pas d’un pouce...

 

Fin limiers, les enquêteurs s’attardent sur un tiroir marqué « Réacteur EPR ». Ils y trouvent une copie du fameux document et... en oublient une autre sur une étagère ! L’erreur est humaine...

Au bout de cinq heures, on m’annonce que je vais être transféré au commissariat central de Bordeaux. « Monsieur Lhomme, nous ne vous mettons pas les menottes, mais pas d’histoire : vous montez gentiment dans la voiture ! » Je ne vois d’ailleurs pas comment j’aurais pu m’échapper (ni pourquoi : je ne me sens pas du tout coupable) : cette fois-ci, c’est toute une équipe qui m’entoure : même Zidane ne pourrait leur fausser compagnie !

 

L’interrogatoire se poursuit donc, entrecoupé de petits séjours en cellule. Au cours de l’un d’eux, on m’informe qu’on va me faire un prélèvement d’ADN. Voilà qu’ils me prennent pour un délinquant sexuel ! Je refuse totalement. J’apprends alors que, en vertu des lois Sarkozy, ce refus m’expose à un an de prison et une forte amende. Ha bon, si c’est Sarkozy, je refuse doublement ! Ce n’est pas ce réac frustré qui va s’approprier mes gènes !

 

Les interrogatoires se succèdent, avec une question récurrente : « Qui vous a procuré ce document confidentiel défense ? »  Comme s’il y avait une seule chance que je leur dise ! Je contre-attaque : après tout, pourquoi ne poserais-je pas des questions moi aussi ? « Pourquoi donc intervenez-vous maintenant alors que cela fait deux ans et demi que nous annonçons détenir ce document ? »[1] Les inspecteurs de la DST me répondent en souriant « C’est la durée de l’enquête ! » Cela signifie bien entendu qu’ils ne tiennent pas à me donner d’explication. Logique : chacun ses mystères !

 

 

Mobiliation et contre-attaque

C’est vers 23 heures que je suis relâché, après quinze heures d’ « interviews » ! J’ai le plaisir d’être accueilli par une bonne vingtaine de manifestants, qui m’informent qu’ils étaient près de deux cents vers 18 heures, à manifester pour ma libération. J’apprends aussi que mes mésaventures ont été relatées toute la journée sur les radios et le soir à la télé. Une dépêche d’agence de presse m’a même bombardé « beau-frère de José Bové », ce qui est totalement faux et, de toute façon, incongru : je ne sors tout de même pas du Loft !

 

On m’informe aussi que de nombreux communiqués ont été émis par des associations (pas seulement antinucléaires ou environnementalistes), mais aussi des syndicats, des organisations politiques. Merci à toutes et tous, et ne baissons pas la garde : cette affaire est la démonstration éclatante du mensonge et de l’opacité qui entourent encore aujourd’hui le nucléaire. Malgré les belles déclarations qui prétendent que l’heure est à la transparence, les mêmes méthodes sont de mise. Le slogan « société nucléaire, société policière », emblématique des années 70 et 80, reste plus vrai que jamais. CQF... DST !

 

Mon ordinateur portable, le disque dur de mon ordinateur fixe, mon téléphone mobile, et des dizaines de documents papier et sur cédérom ont été saisis. « Quarante-et-un scellés, record battu ! » se sont exclamés les inspecteurs ! Et moi, je fais comment pour travailler maintenant ? Réponse : je vais au cyber-café !

C’est de là que, dès le lendemain, je participe à la riposte collective : le fameux document « Confidentiel défense » est publié simultanément à midi sur les sites Internet de dizaines d’associations, syndicats, partis politiques... Si le pouvoir voulait enterrer la vérité, c’est manqué ! Désormais, c’est la totalité du document qui est public, y compris les graphiques et les calculs.

 

Nos amis de Greenpeace ont fait analyser[2] le document par un expert international, John Large, dont le verdict est limpide : "Il est injustifié de prendre pour postulat le cas de la chute d’un avion de chasse pour évaluer la sévérité des dommages causés par un attentat réalisé avec un avion gros porteur. Et ce document ne permet en aucun cas de démontrer que les conséquences radiologiques sur le public seront contenues dans les limites officielles prescrites en cas d’accident."

Et, précision fondamentale, nous ne mettons personne en danger en rendant public ce document : en effet, l’EPR n’existe que sur le papier. Pour qu’aucun crash suicide ne soit opéré sur ce réacteur, il suffit... de ne pas le construire ! S’il y a des irresponsables dans cette histoire, ce sont ceux qui construiraient quand même l’EPR !

 

Enquête publique et vol plané !

Hé bien justement, les irresponsables se sont auto- désignés : quelques jours plus tard, le gouvernement français annonce le lancement de l’enquête publique[3] sur la construction de l’EPR. Qui plus est, elle se déroulera du 15 juin au 31 juillet : à cheval sur la Coupe du monde de foot (avec mon ami Thuram) et les vacances d’été. Idéal pour une bonne participation des citoyens ! Voilà une nouvelle démonstration de ce qu’est la « République française radioactive » et sa conception de la  démocratie.  Et ce sont les mêmes individus qui, depuis leurs strapontins ministériels, nous infligent leur « développement durable », leur « gouvernance » et leur supposée « démocratie participative »...

 

En réponse, et toujours en lien avec l’affaire du document Confidentiel défense, nos amis de Greenpeace réalisent une opération spectaculaire le 1er juin : un militant voltigeur, pilote d’ULM, survole la centrale nucléaire de Flamanville (Manche), site choisi par EDF pour l’EPR. La démonstration est une nouvelle fois faite que la sécurité nucléaire n’est qu’un mythe qui s’évanouit au moindre évènement. Répétons-nous : en demandant la fermeture des centrales nucléaires, nous ne cédons pas aux éventuels terroristes. Au contraire, il s’agit de leur résister, et cela passe par la réduction de notre vulnérabilité. Et donc par la fermeture rapide de toutes nos centrales nucléaires. Et a fortiori par l’annulation de la construction de l’EPR.

 

Mais, à l’heure où j’écris, j’attends ma prochaine convocation par la DST et le Parquet de Paris, section antiterroriste. D’ailleurs, je n’ai été remis en liberté qu’en acceptant de signer un engagement à répondre à cette convocation. A moins que les magistrats ne se rendent (enfin) compte de la légitimité totale de nos actions, et « égarent » le dossier. On peut même imaginer qu’ils envoient la DST pour mettre aux arrêts les promoteurs du nucléaire, sans oublier Sakozy et ses damnés prélèvements d’ADN ! Ce serait bien mérité !

 

[1] Je l’ai même brandi un soir à la télé, face à Mme Lauvergeon (PDG d’Areva), sans d’ailleurs susciter le moindre intérêt chez Christine Okrent et Serge July. Blasés ?
[2] www.greenpeace.org/france/news/exclusif-un-expert-decrypte 
[3] A ne pas confondre avec le Débat public, auquel elle succède chronologiquement, l’enquête publique est une étape administrative obligatoire mais qui est un nouveau simulacre de démocratie : même s’il y a 100% d’avis négatifs, le Commissaire enquêteur donne toujours un verdict positif...

 

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