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Aussi dans les médias : JDD : Lhomme à abattre - Le Monde - NouvelObs - LExpress - etc
La DST attaque !
Le 16 mai 2006, laffaire saccélère. A 8 heures du matin, sans crier gare, une douzaine de personnes entrent chez moi sans frapper. Il est vrai la porte nétait pas fermée à clef. On nous parle beaucoup de l « insécurité », en voilà une belle illustration : vous laissez votre porte ouverte et... la police entre chez vous ! Car cest bien de la police quil sagit. Plus exactement de la DST (Direction de surveillance du territoire). Tout une équipe, sept ou huit, descendus spécialement de Paris, et escortés jusquà chez moi par des policiers bordelais. Japprends que je suis immédiatement mis en garde à vue, « à domicile ». En caleçon !
Jobtiens le droit de mhabiller plus correctement et, suivi de près, je parviens à me saisir dun pantalon. Le « marquage » est sévère : je me sens un peu comme un avant-centre surveillé de près par Lilian Thuram ! Mais, comment pourrais-je mévader ? Lappartement est littéralement cerné. Par la fenêtre, japerçois des policiers dans la rue, dans la cour... Les voisins vont croire que jai détourné de largent public, comme mon ex (et futur ?) maire Alain Juppé.
Mais non, cest bien de « confidentiel défense » quil sagit. Le travail est bien organisé : des inspecteurs préparent la procédure administrative sur leurs ordinateurs, dautres fouillent lappartement de fond en comble, dautres minterrogent, et les policiers locaux assurent la surveillance extérieure. Un véritable « inspecteur gadget », informaticien, ausculte mes ordinateurs à laide dappareils spéciaux. Bigre, ils ne plaisantent pas !
Conformément à la loi, jai pu faire prévenir un avocat, Me Philippe Reulet, avec lequel je travaille déjà : lassociation Tchernoblaye, que je préside, a attaqué en justice la centrale nucléaire du Blayais qui a fonctionné près de 6 mois illégalement en 2003. Hélas, le Parquet de Bordeaux semble avoir "égaré" le dossier : il faudrait peut être lui envoyer la DST !
Mais revenons à la perquisition : tous mes documents sont passés en revue, principalement ceux qui sont consacrés au nucléaire (évidemment) mais aussi des dossiers qui renferment quelques vieux souvenirs comme des photos de matches de foot. Et Thuram qui ne me lâche pas dun pouce...
Fin limiers, les enquêteurs sattardent sur un tiroir marqué « Réacteur EPR ». Ils y trouvent une copie du fameux document et... en oublient une autre sur une étagère ! Lerreur est humaine...
Au bout de cinq heures, on mannonce que je vais être transféré au commissariat central de Bordeaux. « Monsieur Lhomme, nous ne vous mettons pas les menottes, mais pas dhistoire : vous montez gentiment dans la voiture ! » Je ne vois dailleurs pas comment jaurais pu méchapper (ni pourquoi : je ne me sens pas du tout coupable) : cette fois-ci, cest toute une équipe qui mentoure : même Zidane ne pourrait leur fausser compagnie !
Linterrogatoire se poursuit donc, entrecoupé de petits séjours en cellule. Au cours de lun deux, on minforme quon va me faire un prélèvement dADN. Voilà quils me prennent pour un délinquant sexuel ! Je refuse totalement. Japprends alors que, en vertu des lois Sarkozy, ce refus mexpose à un an de prison et une forte amende. Ha bon, si cest Sarkozy, je refuse doublement ! Ce nest pas ce réac frustré qui va sapproprier mes gènes !
Les interrogatoires se succèdent, avec une question récurrente : « Qui vous a procuré ce document confidentiel défense ? » Comme sil y avait une seule chance que je leur dise ! Je contre-attaque : après tout, pourquoi ne poserais-je pas des questions moi aussi ? « Pourquoi donc intervenez-vous maintenant alors que cela fait deux ans et demi que nous annonçons détenir ce document ? »[1] Les inspecteurs de la DST me répondent en souriant « Cest la durée de lenquête ! » Cela signifie bien entendu quils ne tiennent pas à me donner dexplication. Logique : chacun ses mystères !
Mobiliation
et contre-attaque
Cest vers 23 heures que je suis relâché, après quinze heures d « interviews » ! Jai le plaisir dêtre accueilli par une bonne vingtaine de manifestants, qui minforment quils étaient près de deux cents vers 18 heures, à manifester pour ma libération. Japprends aussi que mes mésaventures ont été relatées toute la journée sur les radios et le soir à la télé. Une dépêche dagence de presse ma même bombardé « beau-frère de José Bové », ce qui est totalement faux et, de toute façon, incongru : je ne sors tout de même pas du Loft !
On minforme aussi que de nombreux communiqués ont été émis par des associations (pas seulement antinucléaires ou environnementalistes), mais aussi des syndicats, des organisations politiques. Merci à toutes et tous, et ne baissons pas la garde : cette affaire est la démonstration éclatante du mensonge et de lopacité qui entourent encore aujourdhui le nucléaire. Malgré les belles déclarations qui prétendent que lheure est à la transparence, les mêmes méthodes sont de mise. Le slogan « société nucléaire, société policière », emblématique des années 70 et 80, reste plus vrai que jamais. CQF... DST !
Mon ordinateur portable, le disque dur de mon ordinateur fixe, mon téléphone mobile, et des dizaines de documents papier et sur cédérom ont été saisis. « Quarante-et-un scellés, record battu ! » se sont exclamés les inspecteurs ! Et moi, je fais comment pour travailler maintenant ? Réponse : je vais au cyber-café !
Cest de là que, dès le lendemain, je participe à la riposte collective : le fameux document « Confidentiel défense » est publié simultanément à midi sur les sites Internet de dizaines dassociations, syndicats, partis politiques... Si le pouvoir voulait enterrer la vérité, cest manqué ! Désormais, cest la totalité du document qui est public, y compris les graphiques et les calculs.
Nos
amis de Greenpeace ont fait analyser[2] le document par un expert
international, John Large, dont le verdict est limpide : "Il est
injustifié de prendre pour postulat le cas de la chute dun avion de chasse pour
évaluer la sévérité des dommages causés par un attentat réalisé avec un avion gros
porteur. Et ce document ne permet en aucun cas de démontrer que les conséquences
radiologiques sur le public seront contenues dans les limites officielles prescrites en
cas daccident."
Et, précision fondamentale, nous ne mettons personne en danger en rendant public ce document : en effet, lEPR nexiste que sur le papier. Pour quaucun crash suicide ne soit opéré sur ce réacteur, il suffit... de ne pas le construire ! Sil y a des irresponsables dans cette histoire, ce sont ceux qui construiraient quand même lEPR !
Enquête publique et vol
plané !
Hé bien justement, les irresponsables se sont auto- désignés : quelques jours plus tard, le gouvernement français annonce le lancement de lenquête publique[3] sur la construction de lEPR. Qui plus est, elle se déroulera du 15 juin au 31 juillet : à cheval sur la Coupe du monde de foot (avec mon ami Thuram) et les vacances dété. Idéal pour une bonne participation des citoyens ! Voilà une nouvelle démonstration de ce quest la « République française radioactive » et sa conception de la démocratie. Et ce sont les mêmes individus qui, depuis leurs strapontins ministériels, nous infligent leur « développement durable », leur « gouvernance » et leur supposée « démocratie participative »...
En réponse, et toujours en lien avec laffaire du document Confidentiel défense, nos amis de Greenpeace réalisent une opération spectaculaire le 1er juin : un militant voltigeur, pilote dULM, survole la centrale nucléaire de Flamanville (Manche), site choisi par EDF pour lEPR. La démonstration est une nouvelle fois faite que la sécurité nucléaire nest quun mythe qui sévanouit au moindre évènement. Répétons-nous : en demandant la fermeture des centrales nucléaires, nous ne cédons pas aux éventuels terroristes. Au contraire, il sagit de leur résister, et cela passe par la réduction de notre vulnérabilité. Et donc par la fermeture rapide de toutes nos centrales nucléaires. Et a fortiori par lannulation de la construction de lEPR.
Mais, à lheure où jécris, jattends ma prochaine convocation par la DST et le Parquet de Paris, section antiterroriste. Dailleurs, je nai été remis en liberté quen acceptant de signer un engagement à répondre à cette convocation. A moins que les magistrats ne se rendent (enfin) compte de la légitimité totale de nos actions, et « égarent » le dossier. On peut même imaginer quils envoient la DST pour mettre aux arrêts les promoteurs du nucléaire, sans oublier Sakozy et ses damnés prélèvements dADN ! Ce serait bien mérité !
[1] Je lai même brandi un soir à la télé, face à Mme Lauvergeon (PDG
dAreva), sans dailleurs susciter le moindre intérêt chez Christine Okrent et
Serge July. Blasés ?
[2] www.greenpeace.org/france/news/exclusif-un-expert-decrypte
[3] A ne pas confondre avec le Débat public, auquel elle succède chronologiquement,
lenquête publique est une étape administrative obligatoire mais qui est un nouveau
simulacre de démocratie : même sil y a 100% davis négatifs, le Commissaire
enquêteur donne toujours un verdict positif...