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On peut lire ici ou là que le nucléaire nous protègerait de la
montée du prix de l'énergie (mais aussi, tant qu'on y est, du réchauffement
climatique). Or, le gouvernement vient de le reconnaître, la facture
énergétique française s'est littéralement envolée : + 35% en 2005, et ce
sera bien plus encore en 2006. Quant au climat, la canicule 2003 et les sécheresses 2005
et 2006 sont la pour témoigner que la France n'est pas plus épargnée que les autres
pays.
Où est donc passé le "miracle nucléaire" qui nous est tant vanté ? C'est
tout simple : le trio pétrole-gaz-charbon représente 72% de la consommation
énergétique française, l'atome parvenant péniblement à 17%.
Attention, les tenants du nucléaire prétendent qu'il couvre 40% (et même 50% selon
M. Sarkozy !) de notre énergie. C'est que, pour tromper l'opinion, ils comptabilisent
l'énergie dite "primaire", c'est-à-dire celle qui sort de diverses façons
d'une centrale nucléaire : ils comptent donc les 70% perdus par évaporation (les
panaches de vapeur d'eau qui s'échappent des tours de refroidissement) et par les rejets
massifs d'eau chaude dans les rivières (au prix de dégâts environnementaux, mais c'est
encore une autre affaire).
En réalité, le nucléaire ne peut répondre qu'à des besoins précis et limités et ne
peut donc représenter qu'une faible part de la consommation d'énergie. Il est donc vain
d'espérer augmenter cette part : sur nos 58 réacteurs nucléaires, 10 fonctionnent
déjà pour l'exportation. Rajouter des réacteurs ne changerait rien au problème.
Plus généralement, le nucléaire ne représente que 6% de lénergie
consommée dans le monde : une part bien trop marginale pour avoir une quelconque
chance de remplacer les énergies fossiles où d'empêcher le réchauffement climatique.
Qui plus est, cest une part sur le déclin : lAgence internationale pour
lénergie (AIE), pourtant favorable au nucléaire, a récemment reconnu (World
Energy Outlook) quil descendrait à 4% vers 2030. En effet, dans les vingt
ans à venir, au moins 250 des 440 réacteurs actuellement en fonction sur Terre seront
fermés, car arrivés en fin de vie. Si les réacteurs annoncés sont réellement
construits (ce qui reste à prouver), ils ne compenseront même pas ces fermetures.
Pourtant, malgré ces données tout à fait officielles, on entend partout parler d'un
supposé "grand retour du nucléaire". C'est une pure
fiction, dont les conséquences sont d'ailleurs graves : tant qu'on attend d'être
"sauvé" par le nucléaire, on ne prend pas les mesures qui s'imposent.
Par ailleurs, la facture nucléaire s'annonce en réalité bien plus lourde
que le prix des énergies fossiles mais aussi que celui des énergies renouvelables :
- Les britanniques ont estimé à 100 milliards d'euros le coût du démantèlement de
leurs 20 installations. Par comparaison, il apparaît que le démantèlement en France
sera au moins 5 fois plus cher, soit la somme inouïe de 500 milliards d'euros.
- A cela, il faut ajouter le coût incalculable des déchets nucléaires
et les
immenses sommes publiques investies dans le nucléaire depuis 50 ans.
Qui plus est, au rythme actuel de consommation, les réserves mondiales d'uranium (le
combustible des centrales) sont estimées à 80 ans : elles seront épuisées avant celles
de pétrole, et le prix de ce minerai va s'envoler lui aussi. D'ailleurs, une bonne part
des réserves a été pré-achetée par la Chine, et la France, qui importe 100%
de son uranium, va découvrir sous peu que la supposée indépendance énergétique
apportée par le nucléaire n'existe pas.
Les promesses du nucléaire ne sont jamais tenues, contrairement aux énergies
renouvelables qui, elles, cumulent les avantages : propres, harmonieusement réparties sur
le territoire, fortement créatrices d'emplois, porteuses d'indépendance énergétique.
De nos jours, les bâtiments peuvent être construits avec des matériaux tellement
efficaces que la consommation énergétique peut être réduite de 90%, voire même de
100% avec les maisons dites "passives", totalement autonomes.
Par ailleurs, il faut cesser de transporter des marchandises sur des milliers de
kilomètres, il faut les produire près des lieux de consommation : c'est la
"relocalisation de l'économie".
De toute évidence, pour véritablement laisser aux générations futures une Terre
habitable, il faut simultanément lutter contre le réchauffement climatique ET sortir du
nucléaire. Il faut un développement à grande échelle des économies d'énergie
- principalement dans les pays riches - et des énergies renouvelables, partout sur la
planète. Utopique ? Au contraire, c'est le seul choix réaliste, la seule voie
d'avenir.
Stéphane Lhomme, octobre 2006