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Plusieurs témoignages montrent les effets de la mise en uvre du plan de restrictions qui, officiellement, ne "met pas en cause la sûreté." :
Le 1er mars
2002, la section CGT de la centrale nucléaire de Chinon édite un tract[1]
intitulé "Où va le management du site ?" et qui décrit la
nouvelle ambiance de travail qui règne dans cette centrale depuis "plusieurs mois".
Le tract énumère "des injonctions (
) visant notamment à l'augmentation de
la productivité, à la réduction des coûts, à la résorption des
"sur-effectifs", à l'inéluctabilité des "lois du marché",
etc
(
) nous alertons la direction sur les dangers encourus par tous les agents
du fait des méthodes de management mises en place." Les salariés du nucléaire
prédisent des conséquences importantes : "Ces méthodes conduisent à la
perte des repères et du sens de l'activité de travail, (
) à une dégradation des relations dans le travail et
notamment avec la hiérarchie, à une dégradation des conditions organisationnelles du
travail, et quelquefois à du mépris et du harcèlement moral."
Le
24 avril 2002, le bureau de la section CGT de la centrale nucléaire de Belleville
s'adresse au Préfet du Cher, à l'Autorité de sûreté nucléaire et à de nombreux
élus. Le courrier[2]
commence ainsi : "Les restrictions budgétaires
imposées par les dirigeants d'EDF (
) ont pour conséquences une coupe sombre de 2
millions d'euros dans le budget du CNPE et sur le seul exercice 2002." Les
salariés précisent que cela peut "hypothéquer la sûreté et la
sécurité de nos installations, ainsi que celle du personnel et de la population."
Le 14 octobre 2003, Jean-Pierre Bernasconi,
secrétaire général du syndicat CGT de la centrale nucléaire du Bugey (Isère), avertit
"On va vers un AZF
nucléaire"[3]
Le
comble semble atteint lorsque ce sont les salariés chargés de certaines opérations de
contrôle qui se mettent en grève : le 20 octobre 2004, une dépêche AFP explique
que "Les syndicats CGT, CFDT et CFE-CGC d'Areva ont
appelé les salariés d'Intercontrôle, filiale de Framatome, à la grève pour dénoncer
la vente par EDF de certaines de leurs missions de contrôles dans les centrales
nucléaires à une multinationale américaine." Dans un communiqué commun, les
trois syndicats expliquent qu' "EDF s'apprête à confier une grande partie du
marché du contrôle et de la maintenance préventive de ses centrales nucléaires à la
multinationale américaine Westinghouse, qui oeuvre sur le sol français au travers d'une
société écran Logitest", et ajoutent qu'"EDF met en péril la
sûreté des centrales nucléaires françaises".
Autre exemple : le 2 avril 2005, le Syndicat Autonome Energie de la centrale nucléaire de Civaux[4] écrit au directeur de cet établissement et dénonce "la dégradation des conditions de travail ( ) la souffrance au travail [qui] touche aujourdhui tous les niveaux hiérarchiques de létablissement, ( ) létat de santé mentale et physique actuelle et future du personnel du CNPE Civaux, ( ) Des agents désabusés, démotivés, en perte de repère ; Dautres simulent lindifférence pour ne plus souffrir ; Dautres encore nécoutent plus les signaux dalerte de leur corps." Le syndicat termine ainsi "Quelles préventions, quels remèdes, quelles actions ou remises en cause êtes vous prêt à mettre en oeuvre promptement, pour stopper cette spirale terrible avant que lirrémédiable ne se produise ?"
Nouvelle illustration le 4 janvier 2006, lorsqu'une dépêche AFP titre "Centrales nucléaires : la CGT s'inquiète de «l'accélération des incidents». Les syndicalistes révèlent que "depuis septembre 2005, quatre PUI (Plan d'urgence interne) ont été déclenchés suite à des incidents importants ( ) notamment à la centrale de Nogent-sur-Seine (Aube) le 30 septembre et du Blayais (Gironde) le 27 octobre. ( ) La multiplication de ces incidents est directement liée à la «dégradation du climat social» et «des conditions d'exploitation.»"
Bien sûr, il est possible de voir ces déclarations comme des dramatisations volontaires dans le but d'obtenir des moyens supplémentaires. Mais les syndicats du nucléaire, à commencer par la CGT-Energie, majoritaire, sont totalement acquis à la cause du nucléaire, demandent d'ailleurs la construction de nouveaux réacteurs[5], et n'ont donc aucun intérêt à jeter ainsi l'opprobre sur cette énergie.
[3] Congrès de la CGT-Energie à Biarritz